La disparition des chauves-souris en Provence

A la fin du XIXème siècle, SIEPI signalait l’existence de nombreuses et importantes colonies de chauves-souris cavernicoles.
En 1977, toutes les colonies connues jusqu’alors en Provence avaient disparu.

Le G.C.P. a mené des inventaires pour actualiser le statut de conservation des espèces cavernicoles. Celles-ci font partie des espèces les plus menacées.
Sur les 29 espèces en Provence, 18 sont inscrites dans « Le livre rouge ; Inventaire de la faune menacée en France ».Exemples de disparition :

Pourquoi ?

Les raisons de ces disparitions sont nombreuses.

  • Pesticides
  • Modifications du milieu
  • Pollution lumineuse
  • Destruction des cavités souterraines
  • Fréquentation du milieu souterrain
  • Traitement des charpentes
  • Mortalité routière
  • Prélèvements et baguage
  • Vandalisme
  • Chats domestiques

Les pesticides

C’est la principale cause de disparition des chauves-souris. Ils agissent de plusieurs façons :

  • Ils éliminent les ressources alimentaires des insectivores.
    Dans les années soixante, les organochlorés étaient très utilisés. A cette époque les effectifs des chauves-souris se sont effondrés, simultanément à ceux des rapaces diurnes. Depuis les populations ne se sont pas reconstituées.
    Ces pesticides ont été interdits en France, mais d’autres ont pris la relève. Les autorisations des organismes officiels ne sont pas un gage de l’innocuité ni de la sélectivité de ces poisons.

    Quelques exemples de pratiques dommageables pour les chiroptères :
    – Pour lutter contre la chenille processionnaire du pin, des forêts sont traitées au Bt (Bacillus thurengensis), y compris des forêts sans intérêt économique, car les gens s’offusquent de voir les arbres attaqués en nombre. Ces traitements ne sont pas sélectifs. Ils détruisent toutes les larves de papillons et entraînent la disparition de leurs prédateurs.

    – Les vergers sont une des cultures les plus traitées, ils subissent une vingtaine de traitements par an.

    – L’ivermectine, un vermifuge, empoisonne les insectes coprophages comme les géotrupes. Ce sont les proies privilégiées des femelles de grands rhinolophes pendant les périodes de reproduction, car ils sont de grande taille et facilement capturées. Leur disparition compromet la reproduction des grands rhinolophes.

    Les insecticides ne sont pas les seuls produits néfastes aux chauves-souris. Par exemple les herbicides contenant du glyphosate peuvent tuer certains insectes auxiliaires tels que les guêpes parasites, les chrysopes et les coccinelles.

    Une étude anglaise montre que les chauves-souris chassent plus sur les exploitations biologiques que sur les exploitations conventionnelles d’autre part le nombre d’espèces y est plus nombreux.
    Bat activity and species richness on organic and conventional farms: impact of agricultural intensification (pdf 228Ko)
  • Ils empoisonnent les chauves-souris.
    Une étude a mis en évidence que les insecticides se concentrent dans la graisse brune, que les chauves-souris accumulent pour l’hibernation. Pendant la léthargie la graisse brune est utilisée, les pesticides sont libérés dans le sang et l’animal meurt d’empoisonnement.
Pulvérisation de pesticide (Photo Tanguy Stoecklé)

Pulvérisation de pesticide (Photo Tanguy Stoecklé)

Les modifications du milieu

Les prairies s’amenuisent, soit les paturages laissent place à des cultures intensives subventionnées, soit ils sont abandonnés. Ce sont autant de territoires de chasse en moins pour les grands et les petits murins, espèces vulnérables.

Une forêt jeune composée d’espèces pionnières s’implante sur les prairies abandonnées. Mais, en Provence, les feux récurant l’appauvrissent, les espèces vulnérables disparaissent et les forêts n’ont plus le temps de vieillir. Cependant les arbres creux servent de gîtes aux chauves-souris forestières et les arbres à feuilles caduques et les arbres morts nourrissent de nombreux insectes.

Les zones humides disparaissent, elles sont drainées ou urbanisées.

La pollution lumineuse

L’éclairage nocturne fait disparaître les insectes.(1)
Beaucoup d’insectes sont attirés par la lumière :
– leur reproduction est entravée car les femelles ne déposent plus leurs pontes sur les plantes nourricières.
– ils sont surprédatés car ils se concentrent au même endroit.

L’éclairage nocturne fait disparaître certaines espèces de chauves-souris
Certaines chauves-souris tirent momentanément partie des concentrations d’insectes en chassant autour des éclairages. Cependant d’autres espèces aux ailes larges, plus lentes, comptent sur l’obscurité pour se protéger de leurs prédateurs nocturnes, les chouettes et les hiboux or leurs milieux de chassent sont désertés par de nombreux insectes(2).

Lorsque des éclairages sont installés sur leur chemin de transit vers les zones de chasse, elles doivent prendre d’autres chemins plus longs ou plus risqués, voire abandonner des sites de chasse.(3)
Lorsque les sorties de gîtes d’élevage des jeunes sont éclairés. Certaines èattendent l’extinction des lumières avant de sortir chasser. Pour d’autres la moitié des individus sortent chasser avant l’arrêt de l’éclairage; mais les sorties sont retardées. Ainsi les chauves-souris se nourrissent moins longtemps de plus elles manquent le pic d’activité des insectes qui a lieu au crépuscule.
Les jeunes ont un retard de croissance en taille et en poids et leurs chances de survivre à l’hiver à venir diminue.(4).

La répartition du petit rhinolophe illustre l’impact de la pollution lumineuse. Cette espéce a quasi disparue de Belgique d’île de France et des Bouches du Rhône. Vous pouvez constater sur la carte que ces trois zones sont particulièrement touchées par cette pollution. Cette espèce était une des plus commune avant guerre.

(1) Présentation générale de la pollution lumineuse par l’Association Nationale pour la Protection du Ciel Nocturne (pdf 1,7 Mo)
(2) Effet de la pollution lumineuse sur les populations de pipistrelles communes et de petits rhinolophes (En anglais – pdf 346Ko)
(3) The effects of the illumination of buildings on house-dwelling bats and its conservation consequences – S�ndor Boldogh, D�nes Dobrosi, and P�ter Samu – Acta Chiropterologica, 9(2): 527�534, 2007
(4) Street Lighting Disturbs Commuting Bats – Emma Louise Stone, Gareth Jones and Stephen Harris; School of Biological Sciences, University of Bristol – Current Biology 19, 1�5, July 14, 2009

L’obturation ou la destruction des cavités souterraines

Les chauves-souris cavernicoles gîtent dans les grottes, les mines et les carrières. Les femelles s’y regroupent en colonies afin d’élever les jeunes. Ces mêmes lieux sont indispensables pour l’hibernation.
Régulièrement des cavités sont obturées ou détruites. Suite à des accidents, toutes les mines désaffectées doivent être fermées. Le plus souvent les fermetures se font par dynamitage sans prendre en compte la réglementation qui impose de respecter les espèces menacées.
Ces fermetures induisent une pénurie de gîtes adaptés à la biologie des chauves-souris. De plus, elles ont lieu de jour, les chauves-souris endormies ou en léthargie sont emmurées.

Le tunnel du Ranquet à Istres a été muré dans les années 70 pour des raisons de sécurité. Il en va de même pour la grotte Loubière près de Marseille.
Ces cavités abritaient sept espèces devenues rares, notamment le rhinolophe de méhély qui a disparu de la région depuis.
A Saint Martin de Crau, une cavité naturelle a simplement été détruite pour le passage d’une conduite industrielle.
Les dérangements et les fermetures des cavités naturelles font que les gîtes artificiels comme les carrières ou les mines doivent être protégés en tant que gîtes de substitution.

La fréquentation du milieu souterrain

En hibernation, lors de chaque réveil, les chauves-souris dépensent inutilement leurs réserves d’énergie. En effet, elles réchauffent leur corps de la température ambiante jusqu’à une quarantaine de degrés. De plus, souvent elles s’envolent, or une heure de vol correspond à la dépense énergétique de 80 jours d’hibernation. Elles peuvent mourir avant la fin de l’hiver si les dérangements sont répétés.

Lors de l’élevage des jeunes au printemps et en été, les femelles ont aussi un besoin absolu de tranquillité.

Dans les années 50-60, la spéléologie a pris son essor. Devenue sport de masse ou simple découverte pour randonneurs, elle a entraîné la fréquentation intensive des grottes les plus accessibles, notamment celles à proximité des agglomérations. Il semble que ce soit un problème essentiel pour les grottes proches du littoral, notamment les grottes des Rampins, de Truebis et des Ratepenates, au nord de Toulon.
Le problème existe aussi sur des sites isolés à développement horizontal comme dans l’Est des Alpes-de-Haute-Provence. Ils sont très visités alors qu’ils sont préférentiellement sélectionnés par les femelles pour la reproduction.

Le traitement des charpentes

Les chauves-souris sont intoxiquées par les produits de traitements. Les chauves-souris sont souillées par le poison fraîchement posé lorsqu’elles sont suspendues à la charpente ou se glissent dans les interstices. Il pénètre dans le sang par contact au niveau des ailes et par ingurgitation lors du toilettage. Mais l’intoxication a aussi lieu quand le produit est sec par inhalation de vapeur toxique.

Le traitement des charpentes est récent. Il découle de l’utilisation de bois de mauvaise qualité ou d’aménagements inapropriés des combles. Les vrillettes et les capricornes prospèrent dans les bois sensibles aux insectes xylophages. Les champignons se développent dans les charpentes quand elles ne sont plus ventilées car la vapeur d’eau n’est plus évacuée. Traditionnellement les pièces maîtresses d’une charpente sont en chêne ou en châtaignier. La durabilité de ces essences est maximale (classe 4).

La plupart des vieilles charpentes ne sont ni à changer ni à traiter, seul l’aubier est attaqué par les insectes xylophages, le duramen reste indemne. Vous pouvez prendre conseil auprès d’un charpentier à la retraite ou d’une association de protection du patrimoine comme Maisons Paysannes de France.

D’autre part l’utilisation d’essences locales comme les chênes sessiles ou pédonculés permet de conserver une certaine biodiversité dans les forêts. Car beaucoup d’insectes sont associés à des espèces végétales précises. La plantation d’arbres exotiques comme le Douglas fait disparaître ces insectes ainsi que leurs prédateurs, les chauves-souris.

Si toutefois votre charpente est en bois de mauvaise qualité et que vous devez la traiter, il faut prendre des précautions lors du traitement :
– Traiter en hiver pendant la période d’absence des chauves-souris
– Choisir le produit le mieux adapté
– Et se souvenir que ce qui est toxique pour les chauves-souris l’est aussi pour l’homme.

Petits rhinolophes dans leur gîte estival

La mortalité routière

En Provence, aucune étude n’a été menée. Cependant, l’impact de la circulation automobile est largement sous-estimé. Des études devraient être réalisées sur plusieurs tracés.
Actuellement, les collisions avérées concernent les espèces suivantes :
Oreillard gris à Lambesc-13 (Nationale), Oreillard montagnard à Ristolas-05 (Départementale), Sérotine commune à Roquebrune sur Argens-83 (Autoroute), Murin de Daubenton à Signes-83 (Départementale), Pipistrelle de Kuhl à Roquebrussane-83 (Départementale), Grand Rhinolophe à St Martin de Crau-13 (Nationale), Barbastelle d’Europe à Joyeuse-83, petit rhinolophe au col d’Allos-04 et un autre petit rhinolophe dans le Verdon-83.

Les prélèvements et le baguage

Dans les années 1950-60, des collectionneurs et des chercheurs prélevaient des espèces méditerranéennes. A la même époque, le baguage a été mené sans précaution dans des colonies d’hibernation causant des dégâts considérables.
Aujourd’hui les chauves-souris sont intégralement protégées en France. Le baguage, toujours possible, est contrôlé par le ministère de l’environnement.

Le vandalisme

Certaines colonies sont détruites sans raison particulière, simplement par méconnaissance.
Au nord de Toulon, une grotte abritait dans les années cinquante plusieurs milliers de chauves-souris. Aujourd’hui, elle n’accueille plus qu’une colonie de reproduction de 150 petits murins.
Des petits murins morts sont régulièrement découverts.
Le G.C.P. cherche une solution pour protéger cette population relictuelle.

Les chats domestiques

Les chats tuent régulièrement des chauves-souris. Lorsqu’une sortie de gîte est accessible, la colonie peut être entièrement détruite.
On peut considérer que la prédation des chats est naturelle, cependant la population de chats domestiques est entretenue artificiellement par l’homme. De plus un chat bien nourri continu à chasser.